Salut Augustin ! (sans jeu de mot – oui, il m’arrive d’écouter vos émissions)
Vous avez eu récemment, à l’encontre de l’édition indépendante, un discours qui m’a laissée perplexe. J’ai tout d’abord pensé à un poisson d’avril, mais j’ai vérifié sur mon calendrier, et il est encore un peu trop tôt.
Etes-vous bien la même personne qui disait il n’y a pas si longtemps : « La littérature est un tout petit milieu qu’on a tendance à beaucoup décrier et dont on se moque beaucoup. Moi, pas du tout », ou encore « Je pense que ce qui me distingue, c’est peut-être ma curiosité, mon éclectisme. Je suis ouvert à tout » ?
Amélie Antoine et Julie de Les vous ont fort bien répondu, et je n’ai nullement l’intention de les paraphraser.
Même si je serais flattée d’être un jour remarquée par un éditeur traditionnel, ce n’est pas l’unique but que je me suis fixé. Je sais qu’il y a beaucoup de candidats et très peu d’élus, mais je continue, malgré cela, à écrire, parce que le bonheur de rencontrer mes lecteurs est une émotion indescriptible. Et que j’y suis devenue accro. Je propose, le lecteur dispose. Je ne fais de concurrence à personne. Celui qui aime lire ne choisira pas un livre au détriment d’un autre : il lira les deux.
Je voudrais simplement attirer votre attention sur un sujet qui me tient à cœur, et auquel, en tant qu’auteure indépendante moi-même, je participe avec conviction : l’accès pour tous à la culture.
N’oubliez pas que tout ce qui se fait de culturel n’est pas forcément parisien : avez-vous une idée du nombre de « petits » salons du livre qui sont organisés chaque année par des communes rurales ?
Ces salons accueillent presque exclusivement des auteurs indépendants, et ceux qui sont édités le sont par de petites maisons d’éditions régionales, qui disposent de si peu de moyens de médiatisation qu’elles fonctionnent quasiment comme des indépendants.
Savez-vous que sans nous, les indés, ces salons n’existeraient tout simplement pas ? Et je vous arrête tout de suite : non, ce ne sont pas de vulgaires animations de supermarché. Non, ce n’est pas de la sous-littérature pour bouseux incultes.
Les lecteurs, tous les lecteurs, méritent notre respect, notre attention, et ils ne s’y trompent pas : ils savent apprécier les textes qui le méritent, et rejettent avec discernement ceux qui n’obtiennent pas leur approbation. Vous seriez étonné, Monsieur Trapenard, du nombre d’auteurs indépendants qui ont, au fil de leurs publications, fidélisé un lectorat enthousiaste, cultivé et critique.
Croyez-vous sincèrement que ces auteurs-là menacent l’édition traditionnelle ? Connaissez-vous beaucoup d’auteurs édités qui iraient passer un week-end entier dans un petit village de 400 habitants pour y dédicacer dix ou quinze livres ?
Fermez-vous les portes que vous voulez, vous êtes libre. Nous sommes au pays de la liberté d’expression. Je trouve simplement dommage que vous ayez si peu de considération pour vos auditeurs en leur disant ce qu’il est de bon ton de lire… ou pas.
Bonne soirée.
Laure Malaprade
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